Le Sud-Africain Patrice Motsepe nouveau patron de la CAF

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Par la Rédaction le 18 Mars 2021

(IMPARTIAL ACTU)- Seul en lice, le candidat milliardaire a été élu ce 12 mars président de la Confédération africaine de football, réunie en assemblée générale à Rabat. À 59 ans, le magnat sud-africain Patrice Motsepe (au premier plan), accompagné du président de la FIFA Gianni Infantino – est devenu ce 12 mars le nouveau patron de la Confédération africaine, réunie à Rabat.

La Confédération africaine de football (CAF) a ouvert ce vendredi 12 mars sa 43e assemblée générale pour désigner son nouveau président, à Rabat, au Maroc. Et, sans surprise, c’est le Sud-Africain Patrice Motsepe, 59 ans, candidat de la Fifa, qui a été élu par acclamation, comme l’autorisent les statuts de l’instance du football africain. En effet, après des mois de tractations, les trois autres prétendants ont finalement signé un pacte les rangeant derrière le milliardaire. Le président des Mamelodi Sundowns, son club de football basé à Pretoria, succède ainsi au Malgache Ahmad Ahmad, suspendu de ses fonctions à l’été 2019, avant la fin de son mandat, pour plusieurs violations éthiques, dont la « distribution de cadeaux » et le « détournement de fonds ». D’enfant de Soweto à roi du football africain, qui est Patrice Tlhopan Motsepe et quels sont les défis qui l’attendent dans un contexte de fortes critiques vis-à-vis de la Fifa, son principal soutien ? L’enjeu de son élection est d’autant plus important que l’économie du foot en Afrique est en train de se métamorphoser.

Enfin, l’union sacrée du football africain ?

En dépit de son profil relativement inconnu du monde sportif hors d’Afrique du Sud, où il incarne cette élite noire sud-africaine qui a prospéré après l’apartheid, Patrice Motsepe a réussi à s’imposer à la faveur d’intenses négociations politiques autour de ce que les experts appellent « l’accord de Rabat ». Souhaité par la Fifa, il a consisté à choisir M. Motsepe par consensus, les trois autres candidats, tous présidents ou anciens présidents de fédérations dans leur pays – l’Ivoirien Jacques Anouma, le Sénégalais Augustin Senghor et le Mauritanien Ahmed Yahya –, renonçant à se présenter en échange d’un poste de conseiller pour le premier et de vice-présidents pour les deux autres.

Un programme qui interroge

Dixième plus grosse fortune d’Afrique, parmi les trois Sud-Africains les plus riches avec un patrimoine estimé à environ 2,5 milliards d’euros, selon le magazine américain Forbes, le self-made-man de 59 ans, au look soigné, a fait fortune dans l’industrie minière et la finance, mais cultive une certaine discrétion. Après avoir laissé un autre annoncer officiellement sa candidature en novembre, isolé à cause de soupçons de Covid-19, il a observé un silence médiatique jusqu’à l’annonce de son programme… il y a deux semaines. Et, pour toute explication sur ses motivations à s’engager à la tête de la CAF, l’homme d’affaires et fin stratège a simplement déclaré : « J’aime le football. Un amour stupide et irresponsable. »

La Fifa pointée pour ingérence

Beaucoup se sont étonnés de sa connaissance succincte des enjeux de la CAF pour les quatre années à venir… Mais il bénéficie du précieux soutien du président de la fédération du Nigeria, Amaju Pinnick, qui l’a introduit auprès de ses confrères. Et surtout, Gianni Infantino, patron du foot mondial, a poussé la candidature du Sud-Africain, et de nombreuses voix en Afrique crient à l’ingérence. « Vous avez tous la même vision, aujourd’hui c’est la célébration de cette unité », a dit le président de la Fédération internationale de football (Fifa). « Ensemble, on gagne (…), le foot est un sport d’équipe. La valeur la plus importante du foot, c’est l’esprit d’équipe », a-t-il dit en réponse au mouvement de grogne soulevé par ce que certains considèrent comme un interventionnisme de la Fifa.

Il y a quelques jours encore, Anouma jugeait « peu démocratique » ce « pacte de Rabat » un peu imposé par la Fifa, avec l’intervention à Rabat des conseillers de Gianni Infantino, le Congolais (RDC) Véron Mosengo-Omba, directeur des associations de la Fifa, et le Suédois Mattias Grafström, vice-secrétaire général. Mais l’Ivoirien a finalement renoncé à se présenter au nom de « l’unité africaine ». Le candidat sénégalais a, lui, expliqué dans un communiqué « accepter la proposition consensuelle de la Fifa (…) au nom de l’intérêt supérieur de l’unité du foot africain ». Senghor présente le quadriumvirat comme « une équipe, une team pour relever le foot africain ». Pour Motsepe, la « sagesse africaine » a joué. Déjà pendant six mois, au second semestre 2019, la mise sous tutelle de la CAF, avec la présence au siège du Caire (Égypte) de la secrétaire générale de la Fifa, la Sénégalaise Fatma Samoura, avait hérissé de nombreux membres de la Confédération.

Selon d’autres observateurs, il ne faut pas trop exagérer l’intrusion de la Fifa dans les affaires africaines. Déjà, son président Gianni « Infantino a d’autres chats à fouetter entre ses affaires judiciaires (en Suisse) et la guerre avec l’UEFA », glisse une source. Et puis « la Fifa n’a pas besoin d’entrer dans l’administration de la CAF pour aller chercher des voix en Afrique, ce sont les fédérations qui votent », avait indiqué le candidat mauritanien.

Remettre la CAF sur de bons rails

Au-delà de ce contexte, les enjeux pour le foot africain sont immenses. Tous les experts le disent, le développement économique reste le principal défi qui attend le dirigeant sud-africain, qui doit prioritairement endiguer la saignée des jeunes vers les clubs européens mais aussi attirer plus de sponsors. La CAF est gênée par le conflit avec son ancienne agence, Lagardère Sports, depuis qu’elle a unilatéralement rompu, en décembre 2019, le contrat qui les liait jusqu’en 2028. « Il faut renforcer financièrement la CAF, et régler la question de l’agent marketing », avait expliqué Augustin Senghor à l’AFP. La Confédération se trouve dans « un contentieux difficile, et les bénéfices que l’on tirait de ses contrats sont un peu bloqués. » Selon une source proche du dossier citée par l’AFP, « Motsepe a la préférence de la Fifa, qui veut quelqu’un de nouveau, pas impliqué dans l’ancienne direction, pour attirer les nouveaux sponsors, les investisseurs et donner une plus belle image de la CAF après tout ce qui s’est passé ».

Des défis à la portée du milliardaire Sud-africain ?

En effet, Patrice Motsepe est reconnu pour sa réussite dans les affaires. Il a grandi dans le township de Soweto, près de Johannesburg. Ses parents, commerçants, l’inscrivent dans une école privée catholique et lui permettent de poursuivre à l’université, où il étudie le droit minier, les affaires et l’art. À la fin de l’apartheid, il devient le premier associé noir dans un cabinet d’avocats en Afrique du Sud. Profitant du nouveau souffle dans la nation arc-en-ciel et de l’effondrement du cours de l’or, il achète plusieurs mines à bon prix à la fin des années 1990. En 1997, il crée l’entreprise African Rainbow Minerals Gold Limited, spécialisée dans l’extraction du cuivre, du platine, du fer ou encore du charbon.

Mais sa fortune lui permet aussi de s’offrir en 2004 un club de foot : les Mamelodi Sundows. L’équipe de Pretoria a depuis remporté une Ligue des champions d’Afrique en 2016 et a conquis sept titres de champion d’Afrique du Sud. Le magnat des mines possède également une participation de 37 % dans l’équipe de rugby la plus titrée du pays, les Bulls de Pretoria.

Mais l’emploi du temps surchargé de ce businessman fait craindre qu’il ne puisse s’investir à fond auprès de la CAF. « Il n’a même pas le temps de s’occuper de son club », regrette Bacary Cissé, rédacteur en chef du journal sénégalais Record. Pour lui, Motsepe est « parachuté, mais la Fifa a fait de lui une arme redoutable ». « Mais la Fifa ne pourra pas le manipuler comme une marionnette ou un yes-man, assure Mamadou Gaye, analyste de l’émission SuperSport Soccer Africa. Marié, père de trois garçons, l’homme d’affaires est aussi le beau-frère du président sud-africain Cyril Ramaphosa. Sa sœur Tshepo est mariée à l’actuel chef d’État et son autre sœur Bridgette est l’épouse de Jeff Radebe, membre du parti historique au pouvoir, le Congrès national africain (ANC).

À la tête d’une fondation qui porte son nom, il s’est engagé en 2013 à faire don de la moitié de sa fortune à des œuvres caritatives dans le cadre de la campagne The Giving Pledge (promesse de don) lancée par Warren Buffett et Bill Gates. Et le richissime homme d’affaires a, comme d’autres, promis un milliard de rands (55,7 millions d’euros) pour lutter contre la pandémie de coronavirus en Afrique.

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