Par Impartial Actu le 03 Mai 2020.
(IMPARTIAL ACTU)- Les journalistes et Hommes des médias du monde entier célèbrent ce dimanche 03 mai, la Journée mondiale de la liberté de presse. Au Togo cette célébration se résume traditionnellement à la simple publication par l’Observatoire Togolais des Médias (OTM) d’un rapport sur l’état de la presse. Voilà une manière trop sobre de célébrer la presse, et cela n’honore pas ce métier, constate Narcisse Prince Agbodjan Directeur du journal en ligne “linterview.Info”.
“Rien n’a fondamentalement changé pour le journaliste togolais”, regrette t’il.
Pour commencer son exposé, le Confrère estime que, quoi qu’il en soit, la liberté de presse est une réalité constante au Togo. Ici la presse est libre, comme l’atteste la pléthore de titres de parution, de radios et de télévisions ainsi que de médias en ligne. Seulement, cette liberté est assimilable à l’arbre qui cache la forêt de difficultés ; des difficultés de tous ordres qui assaillent l’environnement médiatique, et les professionnels des médias ont du mal à vivre de leur métier.
Lire la suite de sa lettre ouverte!
Entre le 3 mai 2019 et le 3 mai 2020, beaucoup d’eau a coulé sous le pont, s’il faut parler de l’actualité de manière générale. Mais au chapitre des conditions de travail et de vie des journalistes, pas grand-chose à retenir. Cependant, quelques points méritent qu’on s’y attarde.
Code de la presse :
Les lignes n’ont presque pas bougé. La seule nouveauté tangible est l’adoption par l’Assemblée nationale d’un nouveau code de la presse et de la communication. La réécriture de ce code a accouché de nouvelles conditions d’accès à la profession et désormais, on ne peut plus être monsieur n’importe qui, si on veut accéder au métier. Pour devenir journaliste au Togo, il faut avoir un diplôme professionnel de journaliste délivré par une école ou un institut de formation en Journalisme agréé par l’État. A défaut, il faut être titulaire d’une licence, d’un BTS ou d’un diplôme équivalent. La vache !
Le nouveau code prend aussi en compte la presse en ligne. Il crée un fonds de soutien et de développement de la presse. Surtout, il recommande la création d’entreprises de presse. C’est super, tout cela, mais il est tout simplement regrettable que l’on ait écrit cet important document sans tenir suffisamment compte des réalités et de l’environnement dans lequel évoluent les médias togolais, alors que ce code a été élaboré avec le concours des organisations de presse qui ont eu leur mot à dire.
À la fin de la plénière d’adoption, certains députés ont même clairement déploré les travaux. Ne vous étonnez pas, car c’est aussi ça, la caractéristique des journalistes togolais ! Ils sont prompts à défendre des causes qui ne sont pas les leurs, à jaser, à opiner sur des sujets parfois stériles, mais rarement présents quand il s’agit d’eux-mêmes. Personne d’entre nous n’est là quand il est question de faire front pour défendre nos droits. C’est triste!
Le nouveau code a évidemment été promulgué. Qu’on soit content ou pas, il sera appliqué. Le président de la HAAC, Pitalounani Telou, rassure que l’adoption de ce code répond à l’une des recommandations des états généraux de la presse. Cela est peut-être vrai, mais les autres recommandations alors? Elles sont où ? La signature de la convention collective par exemple n’est-elle pas une urgence aujourd’hui au Togo ? Ne figure-t-elle pas parmi les recommandations ?
Il aurait été opportun et plus bénéfique pour les professionnels des médias de procéder d’abord à la signature de la convention collective qui leur assurerait un traitement salarial décent avant d’entreprendre l’adoption du nouveau code de la presse et de la communication. Vouloir assainir la corporation, c’est bien, mais il fallait d’abord créer un cadre assurant la viabilité économique des entreprises de presse et faire adopter impérativement la convention collective.
Carte de presse
Sous d’autres cieux, l’importance de cette petite pièce n’est plus à démontrer. C’est la carte d’identité professionnelle du journaliste ou du technicien de la communication, un outil de travail, un sésame pour accéder aux lieux de manifestations. Elle facilite l’accès aux informations et à bien d’autres avantages. Mais au Togo, à quoi sert-elle ? Seulement à couvrir les événements ? A prendre part aux sommets pendant plusieurs jours parfois sans être rémunéré à la fin ? C’est une carte inutile, sinon pourquoi la plupart des journalistes ne s’empressent pas de faire la demande pour l’obtenir ?
Ailleurs, la détention de la carte de presse donne lieu à des avantages assez importants. Cette clé entre les mains, vous pouvez avoir des réductions de frais de voyage et d’hôtels, vous avez la détaxe sur les intrants de la production médiatique, une assurance maladie, des réductions sur certains achats etc.
Et une petite remarque aussi, la HAAC doit veiller à nous fournir un produit de qualité. Ceux qui se sont faits délivrer cette carte peuvent attester qu’elle n’est pas faite pour résister longtemps au temps. La HAAC doit rendre la carte de presse attractive. C’est là plutôt que se trouve le grand défi.
Déclaration de Kara
Soucieux du développement des médias, les patrons de presse ont élaboré une « grille tarifaire harmonisée ». C’est bien ! Par ce geste, ils entendent mettre fin aux “listes de présence” sur les lieux de reportage, ces fameuses listes qui permettent aux journalistes de recevoir de petits sous des mains des organisateurs à la fin des événements qu’ils ont couverts. Les patrons de presse exigent donc des organisateurs de manifestations d’arrêter de distribuer des jetons de présence aux reporters, car cela dégrade l’image des médias et met à mal leur réputation, selon la déclaration de Kara. Très bien !
Mais à quoi est dû ce comportement sur les lieux de reportage, messieurs les signataires de la déclaration ? Tout le monde a la réponse et il faut cesser de mettre la charrue avant les bœufs. Tous les patrons de presse savent ce qu’il faut faire pour mettre fin à ce phénomène. Il est temps d’être méthodiques, objectifs et poser sans ambiguïté le vrai problème. Ceux qui ont signé cette déclaration, pourquoi n’ont-ils pas suggéré aussi une grille salariale pour les journalistes employés qui se tuent chaque semaine pour que paraissent les journaux ? Ces hommes et femmes qui remuent ciel et terre chaque jour pour trouver les informations pour la radio et la télé ? Ces gens qui sont “coincés” à la technique ? Pourquoi les patrons n’ont-ils pas voulu des salaires pour ces valeureux animateurs qui donnent le meilleur d’eux-mêmes pour meubler les tranches horaires des stations radios et télés ? Ne méritent-ils pas encore de vivre de leur métier ? Quand les patrons de presse auront leur grille tarifaire harmonisée, c’est dans ces enveloppes qu’ils payeront leurs employés ? Est-ce vrai ce mensonge ?
Face à ce problème existentiel, c’est une jeune génération de journalistes insouciants, indifférents, désorganisés qu’on trouve. Ils ne savent même pas que pour être sauvé de cette situation, il faut absolument adhérer au seul syndicat de journalistes qui existe. Ils n’ont aucune volonté de s’organiser pour réclamer l’amélioration de leurs conditions de vie. Ils se contentent des 1000F et 2000F et se plaignent dans leur coin. C’est tout ! Pourtant, nous sommes arrivés à un moment où tout le monde dans notre corporation doit comprendre qu’il est très important de changer de méthodes et d’orientations pour trouver des solutions aux problèmes de la presse togolaise.
Les hommes de média souffrent tous, y compris les patrons de presse. Ce n’est pas un secret que parmi ces derniers, il y en a qui n’hésitent pas à exiger les ‘‘jetons de présence’’ avec leurs journalistes. Quand il ne peut pas avoir accès au butin, vous ne pouvez pas imaginer combien ça fait parfois mal à certains patrons quand ils apprennent que le “communiqué final” remis à leur homme sur le lieu de reportage est 10, 20 ou 30 mille FCFA. D’ailleurs, dans cette situation, il fait généralement du forcing pour partager ce montant avec lui, tout en rappelant qu’il s’agit de son organe de presse et qu’il a des projets pour son entreprise.
Et nos supers journalistes qui ont leur site d’information, font-ils exception? Trop difficile de collaborer avec eux. Leur langage change à chaque minute. Ils restent dans leur coin et envoient le collaborateur se ridiculiser sur le lieu de reportage pour prendre quelques jetons. D’abord il lui fait croire qu’il ne s’intéresse pas à ce qui se passe sur le terrain, qu’il n’est pas à 5000F ou 10 000F près, mais juste après, c’est le même qui veut partager les jetons avec toi. Pire, on le voit au même moment dénoncer sur les plateformes avec “gros français”, le comportement déplorable des confrères qui s’invitent sur tous les lieux de reportage pour gagner des sous. Ce sont ces lascars qui vont partager les enveloppes de leur grille tarifaire avec les employés ?
Finalement, il faut se rendre à l’évidence que l’argent, c’est ce qui préoccupe d’abord tout le monde. Le reste, c’est de l’hypocrisie.
Pour soigner l’image du journaliste togolais, prenons la peine de payer nos employés et donnons la même chance à tout le monde dans l’octroi des contrats. Une grille tarifaire oui, mais que les contrats ne reviennent pas uniquement à une minorité d’organe. Ces Messieurs qui ont l’habitude de tout confisquer pour eux. Soyons sincères dans nos actes les uns envers les autres. Aujourd’hui, nous devons renverser la muraille et remblayer les fossés financiers dans notre corporation;
une corporation divisée, rongée par la méfiance et le refus de fédérer les énergies pour une unité d’action afin de la rendre plus forte. Parfois, la méfiance va même plus loin au point de se transformer en une sorte d’exclusion qu’on voit à l’œil nu au sein des organisations de la presse. A titre d’exemple, on invite certaines organisations pour des consultations sur des sujets cruciaux qui concernent la presse et les journalistes, mais on écarte le Syndicat national des journalistes indépendants du Togo (SYNJIT). Pour les débats à l’Assemblée nationale sur le nouveau code de la presse, le SYNJIT a été écarté. Et tenez-vous bien, les organisations qui ont le privilège d’être invitées ne se donnent pas la peine d’exiger la présence de leurs sœurs qui ont été “oubliées”. Elles restent muettes et font comme si de rien n’était, encourageant ainsi ceux qui les divisent. C’est comme cela que fonctionne notre corporation. Personne ne protège ni ne défend l’autre.
Des confrères ont été victimes de gaz lacrymogènes, simplement parce qu’ils voulaient faire leur travail sur le terrain. Ils ont été bousculés et menacés par les forces de l’ordre, leurs motos ont été confisquées. Un aîné qu’on considère, pour qui on a du respect, responsable d’une organisation de presse dont le rôle est de protéger tout journaliste en difficulté, un ainé qui connaît bien nos confrères en question leur demande s’ils sont reconnus par la HAAC, s’ils ont la carte de presse etc. Est-ce là des conditions à poser avant d’aller au secours d’un journaliste qui officie depuis belle lurette ? Étonnant ! On ne peut pas être en sécurité dans l’exercice de cette fonction ? Demain s’il m’arrivait quelque chose sur un lieu de reportage, on me posera les mêmes questions avant de me porter secours ? Cela mérite réflexion.
A la faveur de la crise sanitaire liée au Covid-19, les journalistes se découvrent encore plus et découvrent de quoi sont capables nos organisations. L’aide de l’État à la presse a été augmentée de 50%, mais probablement cette aide ira aux médias classiques, alors que c’est toute la presse qui souffre en cette période.
Le monde médiatique togolais a besoin d’être assaini et restructuré. Mais cette mue n’est apparemment pas pour demain. La sortie de l’auberge est encore loin et c’est triste !
En ce jour spécial pour la presse du monde et celle du Togo, je m’incline en mémoire du DP de l’hebdomadaire le Carrefour puis la Griffe, Holonou Hounkpati et du DP Dominique Aliziou de Chronique de la Semaine qui ne sont plus du monde des vivants. Que leurs âmes reposent en paix !!
La Rédaction