Par René DOKOU, le 18 Juillet 2025
(IMPARTIAL ACTU)- INTERVIEW — Alors que le Togo traverse une zone de turbulences après des manifestations violemment réprimées, le ministre démissionnaire de la Fonction publique, Gilbert Bawara, défend la ligne sécuritaire du gouvernement et justifie la récente réforme constitutionnelle.
Le Point Afrique : Le pays sort à peine d’une série de manifestations marquées par des violences. La société civile évoque sept morts, dont des mineurs, alors que le gouvernement parle de cinq décès. Comment expliquez-vous cette divergence ?
Gilbert Bawara : Il est essentiel de replacer les événements dans leur contexte. Il ne s’agissait pas de manifestations pacifiques, mais de tentatives organisées de semer le chaos à l’appel d’activistes sur les réseaux sociaux. Certains appelaient explicitement à l’insurrection. Dans ce climat, les forces de sécurité ont agi pour empêcher des destructions, protéger les citoyens et rétablir l’ordre public.
Concernant les décès, cinq ont été confirmés, certains corps repêchés dans la lagune. Une enquête judiciaire est ouverte. Pour les deux autres, à ce jour, nous n’avons ni identité ni preuves matérielles. Les ONG ou médias qui avancent ces chiffres doivent apporter des éléments concrets.
Des images de brutalités policières ont circulé. Certaines ONG dénoncent une répression excessive.
Beaucoup de ces contenus sont manipulés ou sortis de leur contexte. Nous avons identifié des vidéos anciennes, truquées, ou venues de l’étranger. C’est une véritable campagne de manipulation. Bien sûr, toute perte de vie est regrettable. Mais nos forces n’ont pas affronté des manifestants pacifiques dans des rues désertes ; elles ont été confrontées à des actes violents, à des barrages, à des agressions. Dans ces conditions, on ne peut parler de répression aveugle.
Pourquoi le silence persistant des autorités, notamment du président Faure Gnassingbé ?
Ce silence est un choix de gouvernance. Il ne s’agit pas d’un désintérêt. Le régime parlementaire mis en place promeut la collégialité, une dépersonnalisation du pouvoir. Le président du Conseil agit, prend des décisions, mais n’a pas besoin d’omniprésence médiatique pour gouverner. Ce modèle vise l’efficacité et la stabilité, pas le culte de la personnalité.
Justement, cette réforme constitutionnelle est au cœur des critiques. Elle a été adoptée sans référendum, et permet au président Gnassingbé de conserver les rênes du pouvoir. Pourquoi ?
Il faut dépasser les querelles idéologiques. Cette réforme a pour but de rationaliser la gouvernance, de renforcer la stabilité et de recentrer les institutions sur l’intérêt général. Le président de la République joue désormais un rôle symbolique d’unité nationale. Le pouvoir exécutif est entre les mains du président du Conseil. Ce n’est pas une confiscation du pouvoir, mais une évolution du système.
L’affaire Aamron illustre pourtant la crispation du pouvoir. L’artiste a disparu pendant près d’un mois, puis a réapparu sans explication claire. A-t-il été victime d’une arrestation arbitraire ?
Parler de disparition est inexact. Il s’agissait d’une interpellation, encadrée, avec accès régulier de ses proches. Il est libre aujourd’hui. Mais nul n’est au-dessus des lois. S’il estime avoir été victime d’abus, il peut saisir la justice ou la Commission des droits de l’homme. En revanche, il ne peut se livrer à des injures ou diffamations sans en assumer les conséquences. La liberté d’expression n’est pas un permis d’outrage.
Aujourd’hui, les manifestations sont interdites, le débat public verrouillé, et la population frustrée. Est-ce viable ?
Il faut distinguer manifestations pacifiques et appels à la violence. Depuis janvier, de nombreux meetings politiques ont eu lieu librement. Mais les événements de juin relevaient de la subversion. Le droit de manifester existe, mais dans un cadre légal. Le Togo ne peut tolérer des dérives qui mettent en péril la sécurité nationale.
Que répondez-vous à ceux qui dénoncent une confiscation du pouvoir par les mêmes depuis vingt ans ?
Le Togo avance. Lentement, mais sûrement. L’État togolais est jeune, comme la plupart des États africains. La réforme constitutionnelle vise à moderniser l’organisation du pouvoir, réduire la fréquence des élections, et se concentrer sur les priorités : l’économie, les services publics, l’emploi. C’est le sens des cinq années à venir.
















