Éducation au Togo : de l’urgence d’un équilibre entre croissance démographique et expansion scolaire

0
451

Par René DOKOU, le 27 Août 2025

(IMPARTIAL ACTU)- Le système éducatif togolais traverse une zone de turbulences. Comme dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, la poussée démographique exerce une pression constante sur les infrastructures scolaires, les enseignants et les ressources pédagogiques. Chaque rentrée met en lumière les mêmes défis : salles de classe surchargées, déficit en personnel, distances décourageantes pour les élèves des zones rurales.

Face à cette réalité, le gouvernement tente d’apporter des réponses, multipliant les initiatives  construction d’écoles, recrutement massif d’enseignants, distribution de manuels, renforcement des cantines scolaires. Mais l’équation reste entière : comment répondre à une demande qui croît plus vite que l’offre éducative ?

Une demande exponentielle, une offre encore fragile

La création de nouveaux établissements témoigne d’une volonté politique affirmée. Mais cette avancée se heurte à de nombreux obstacles. Dans les zones rurales, beaucoup d’écoles fonctionnent encore sous des abris précaires, quand elles ne sont pas tout simplement absentes. Les enfants parcourent parfois plusieurs kilomètres à pied, souvent dès l’âge de 6 ou 7 ans. Pour les plus jeunes, cette distance devient une source de découragement, et pour les familles, un facteur de déscolarisation.

Les statistiques illustrent un paradoxe : certains élèves admis au BEPC ont à peine 12 ans. Trop jeunes pour affronter les exigences du secondaire, ils doivent souvent quitter leur village, trouver un hébergement ou supporter des trajets quotidiens épuisants. Cette mobilité imposée pèse lourd sur les finances familiales et fragilise le parcours scolaire de ces adolescents encore en construction.

La jeune fille, première victime de la fracture éducative

Les difficultés du système se manifestent de façon encore plus criante lorsqu’il s’agit de la scolarisation des filles. L’éloignement des collèges et lycées, combiné aux risques d’insécurité sur les trajets, amène de nombreuses familles à retirer leurs filles de l’école. À ces contraintes s’ajoutent les pesanteurs culturelles : mariages précoces, tâches domestiques, croyances sur la place de la femme. Résultat : l’école devient un privilège instable pour beaucoup de jeunes filles, malgré les campagnes officielles vantant l’égalité des chances.

Cette réalité traduit un contraste saisissant : d’un côté, un discours volontariste du gouvernement en faveur de la promotion de la fille ; de l’autre, un quotidien marqué par l’abandon scolaire et des perspectives d’avenir compromises.

Gouverner, c’est agir maintenant

L’enjeu est clair : l’école idéale ne peut être un horizon lointain qui retarde l’action. Attendre des infrastructures parfaites reviendrait à condamner des générations entières. Le choix politique doit être celui de l’action pragmatique : offrir au plus grand nombre un accès immédiat à une éducation de base, même dans des conditions modestes mais sécurisées.

Cela implique de miser sur des solutions flexibles : classes provisoires en matériaux locaux, dotation minimale en manuels, adaptation des horaires aux réalités rurales, allègement des programmes, ou encore mise en place de systèmes de transport scolaire communautaire. Des choix qui exigent de la créativité, mais surtout de la volonté.

Des efforts gouvernementaux visibles mais insuffisants

À ce jour, plusieurs initiatives témoignent de la volonté d’infléchir la tendance. En 2025, près de 5 000 enseignants supplémentaires ont été recrutés, un effort considérable pour alléger les effectifs surchargés.

Parallèlement, le programme d’extension des cantines scolaires vise à améliorer la rétention des élèves, surtout dans les zones défavorisées. De nouvelles salles de classe voient le jour, et des distributions de manuels renforcent l’équité pédagogique.

Pour autant, ces actions ne suffisent pas. Les besoins sont tels que chaque avancée se révèle rapidement absorbée par la croissance démographique. L’écart entre les ambitions affichées et les réalités de terrain reste préoccupant.

Vers une réponse systémique et durable

Répondre à ce défi ne peut se réduire à additionner des mesures ponctuelles. Une approche intégrée est nécessaire : rapprocher les écoles des communautés, sécuriser les trajets des élèves, valoriser le métier d’enseignant, moderniser les contenus pédagogiques et instaurer un suivi régulier de l’impact des politiques publiques.

L’éducation ne peut plus être pensée comme une dépense, mais comme un investissement structurant pour le futur du pays. Sans école, il n’y aura ni développement économique inclusif ni cohésion sociale durable.

Au Togo, l’éducation est plus qu’une priorité sectorielle : elle constitue une urgence nationale. Les chiffres de la démographie imposent des réponses rapides, audacieuses et adaptées. La volonté politique existe, mais elle doit franchir un cap : passer d’une logique de rattrapage permanent à une stratégie visionnaire et structurée.

L’avenir de milliers d’enfants, en particulier des jeunes filles, dépend de cette capacité à offrir une éducation accessible, sûre et de qualité. Dans un monde où la compétitivité se joue désormais sur le savoir, sacrifier l’éducation reviendrait à hypothéquer le destin même du pays.

Car en définitive, au Togo comme ailleurs, l’éducation n’est pas un luxe différable, mais un droit fondamental et un devoir de gouvernance.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici