Par René DOKOU, le 06 Octobre 2025
(IMPARTIAL ACTU)- Une page importante de la mémoire africaine s’est écrite, vendredi 3 octobre 2025, à Lomé. Pour la première fois, une conférence nationale sur les crimes coloniaux s’est tenue dans la capitale togolaise, à l’initiative du groupe de presse Le Défenseur Info et du Collectif des jeunes panafricanistes du Togo. L’événement s’inscrivait dans le cadre de la Journée internationale de la souveraineté africaine, célébrée chaque 21 septembre par les mouvements panafricanistes d’Afrique et de la diaspora.
Sous le thème « Les crimes coloniaux : mémoire et réparation », la rencontre a rassemblé universitaires, étudiants, responsables d’associations et représentants d’ONG. Une première du genre qui marque la volonté croissante, sur le continent, de confronter les non-dits de l’histoire coloniale et de poser les jalons d’une véritable justice mémorielle.
Un cri contre l’oubli
Dès l’ouverture des travaux, le ton a été donné par le journaliste Julien Segbedji, directeur de publication de Le Défenseur Info et coordonnateur national du collectif panafricaniste. Dans une allocution vibrante, il a dénoncé les séquelles encore visibles du colonialisme sur les sociétés africaines.
« Le colonialisme n’a pas seulement arraché nos ressources, il a tenté de briser nos âmes. Il n’a pas seulement tracé nos frontières, il a semé la division et l’aliénation. Mais aujourd’hui, nous proclamons que la mémoire ne mourra jamais et que l’Afrique n’oubliera pas », a-t-il lancé, sous les applaudissements nourris de l’assistance.
Pour lui, cette conférence est une étape symbolique mais essentielle dans la reconstruction identitaire du continent. Elle doit permettre de redonner voix à ceux dont l’histoire a été confisquée et d’appeler à une réparation juste et responsable.
Le poids des blessures coloniales
L’une des communications phares de la journée a été celle du Dr Maman Houlourou, enseignant vacataire au département d’histoire de l’Université de Lomé. Avec rigueur et émotion, il a retracé les mécanismes d’exploitation mis en place par les puissances coloniales.
Selon lui, la colonisation a profondément désarticulé les sociétés africaines : expropriation des terres, introduction des monocultures destinées à l’exportation, destruction des structures économiques traditionnelles et imposition de modèles culturels étrangers.
« Le colonialisme a extrait nos ressources et nous a imposé des mœurs qui ne sont pas les nôtres », a-t-il rappelé, soulignant la nécessité d’un travail collectif pour « décoloniser les esprits » et réhabiliter les valeurs africaines.
L’historien a également insisté sur la question de la réparation, à la fois matérielle et morale. Pour lui, l’Occident doit reconnaître les crimes commis, les qualifier pour ce qu’ils sont des crimes contre l’humanité et en tirer les conséquences juridiques et économiques.
« Reconnaître officiellement la responsabilité historique, compenser financièrement, restituer les œuvres spoliées : voilà les conditions d’une véritable réconciliation », a plaidé Dr Houlourou.
Une dynamique panafricaine en marche
Au-delà des échanges académiques, la conférence a eu valeur d’engagement collectif. Les discussions ont mis en lumière une nouvelle génération de jeunes panafricanistes décidés à faire de la mémoire un instrument de souveraineté.
Cette initiative togolaise s’inscrit dans une dynamique continentale plus large. Depuis quelques années, plusieurs pays africains multiplient les appels à la restitution du patrimoine culturel, à la reconnaissance des massacres coloniaux et à la relecture des programmes scolaires. Lomé, en accueillant cette rencontre, entend se positionner comme un carrefour de réflexion et d’action sur les questions mémorielles africaines.
Des recommandations issues des travaux seront prochainement transmises aux autorités nationales, afin d’alimenter le débat sur les réparations et la reconnaissance officielle des crimes coloniaux.
Mémoire et dignité retrouvées
Pour les organisateurs, cette première conférence nationale marque un tournant. Elle ouvre un espace de parole libéré où historiens, citoyens et militants peuvent réécrire, ensemble, une histoire plus juste. Elle rappelle aussi que le devoir de mémoire ne relève pas seulement du passé, mais engage l’avenir.
« C’est en assumant notre histoire, toute notre histoire, que nous pourrons construire une Afrique fière et souveraine », a conclu Julien Segbedji.
Dans une atmosphère empreinte d’émotion et de fierté, les participants ont salué la pertinence du thème et la portée symbolique de la date. À Lomé, ce 3 octobre 2025, la mémoire africaine a parlé d’une seule voix ferme, lucide et résolument tournée vers la justice.
La conférence nationale sur les crimes coloniaux aura ainsi jeté les bases d’un nouveau dialogue entre mémoire et avenir. Un dialogue nécessaire, pour que le silence des siècles cède enfin la place à la parole des peuples.
















